Saturday, 2 May 2009

Bienvenue à Barbieland !



En poussant la porte de President-Models, on s’attend à ce qu’une nuée de mannequins blondes et filiformes nous entourent jusqu’à nous en donner le tournis. Il n’en est rien. Certes, quelques jeunes filles à la beauté stupéfiante rôdent, mais elles sont employées par l’agence et respectivement responsable de la machine à café et directrice des ressources humaines. Dans son jean DolceGabbana et son pull violet, Anton, vingt-cinq ans et la mèche rebelle, fait lui aussi illusion. Directeur des relations publiques de l’agence depuis voilà deux ans, il en connaît tous les rouages et appelle chaque mannequin par son petit nom. « Contrairement à nos confrères, nous ne traitons pas les modèles comme de la marchandise. » assure Anton de son bel accent américain. « Elles sont nos partenaires, voire nos amies ». Et de claquer une bise à une blonde aux jambes interminables, afin de prouver le bien-fondé de ses paroles.

Casting sur Internet

President-Models est une des agences les plus réputées de Moscou. Son catalogue propose trois cents jeunes filles aux visages virginaux, mais aussi quatre cents modèles masculins. Pour la plupart d’entre eux, le casting s’est opéré sur internet. Quelques images envoyés sur leur site, un coup de téléphone, et les voilà officiellement enrôlés pour la prochaine Fashion Week. President-Models fait partie de ces agences qui refuse désormais de pratiquer le scouting, qui revient à guetter la nouvelle Natalia Vodionova dans les rues moscovites. Anton hausse les épaules : « A quoi bon ? C’est une perte de temps et d’argent. Avec la banalisation de la photographie, une jeune fille sait lorsqu’elle a du potentiel. Ses amis lui disent. Elle n’a pas besoin de nous pour se décider à participer à un casting. » Signe des temps, le scouting se réalise désormais à travers les sites sociaux, notamment sur Vkontakte où des concours de beauté sont parfois organisés. L’agence se précipite alors pour cueillir la gagnante et lui proposer un contrat à gros chiffres. « De manière générale, explique Anton, nous n’avons aucune difficulté à repérer nos futures mannequins. » Et il ajoute, non sans une certaine fierté nationale : « D’autant plus que nous sommes en Russie ! ».

Femmes au travail et hommes au chômage


Mais trouver l’homme qui fera la Une des magazines ou qui ornera les prochaines publicités des chaînes cosmétiques est nettement moins aisé. Bien que leur nombre à President-Models surpasse celui des mannequins femmes, force est de constater que leur visage viril n’a… rien de beau. Pour La Redoute, qui a organisé avec l’aide de President-Models, un défilé de Michael Klein, trouver les hommes russes qui sauront porter sa dernière collection fut extrêmement difficile. Car sourcils en unibarre, menton de travers et yeux qui louchent font souvent partie des apanages des « mannequins ». Le casting des agences serait-il moins sélectif pour les hommes que pour les femmes ? « Absolument pas », répond Anton. « Nous nous basons simplement sur d’autres critères et privilégions un corps parfait à un visage sans défaut. C’est ce que recherchent avant tout nos clients. »

Un pari risqué, et loin d’être gagnant puisque la grande majorité des publicitaires et des stylistes font finalement venir leurs mannequins de l’étranger ; très peu font appel aux Russes, situation qui s’inverse dès qu’il s’agit des modèles femmes. « Trouver du travail est très difficile », confirme Ilya, vingt ans, plastique de rêve et visage cauchemardesque. « Je suis obligé d’opérer des rondes et d’appartenir à plusieurs agences, car une seule ne pourrait me fournir assez de travail pour que je survive. ». Cumuler deux agences voire plus est une nécessité pour certains mannequins, mais pour President-Models, il relève du délit et est passible de licenciement. Anton prévient : « Nous avons des contrats d’amitié avec la plupart des autres agences de mannequinat. Si une de nos modèles déserte, elle est aussitôt dénoncée. » La fidélité est une qualité primordiale dans le dur monde de la mode car, explique Anton, « une mannequin à l’état pur ne vaut rien. Il faut tout lui apprendre. »

Les opportunités sont ailleurs


En effet, être mannequin ne se réduit pas à faire la moue langoureusement sous les flashs d’un photographe plein d’inspiration. Il faut savoir poser et marcher ; ce qui n’est pas une mince affaire. La plupart des agences européennes de mannequinat possède leur propre école, avec des professeurs aguerris qui apprennent aux futures top l’art du dandinement sur le podium, mais aussi l’anglais – afin de comprendre les instructions du styliste – et une bonne éducation mondaine pour briller lors des after-parties qui ponctuent la plupart des défilés. A President-Models, s’il n’y a pas d’école, il y a ces professionnels venus de New York comme de Paris pour former les beautés russes aux techniques du mannequinat.

C’est d’ailleurs cette volonté de professionnaliser ses mannequins qui différencie l’agence de ses concurrentes, aux dires de Andrei Medvedev. Dans son bureau avec vue sur le Noviy Arbat, le nouveau directeur de President-Models tient davantage pourtant du vieux loup de mer que du jeune premier, avec sa barbe de trois jours et sa belle voix rauque. Cela fait vingt ans qu’il fréquente le milieu de la mode ; il a même connu « Yudashkin avant qu’il ne devienne Yudashkin », comme il aime le rappeler avec une pointe de fierté. Andrei est aussi fier de ses mannequins, qu’il considère comme les plus jolies des podiums russes. Mais il est réaliste : « Si elles avaient un véritable potentiel, elles ne seraient plus ici. Nous envoyons toujours les meilleures en Europe, où elles ont de véritables opportunités. ». Comme Olga Kurylenko, qui travaillait à President-models avant de devenir la dernière James Bond girl.

D’autant plus que la crise vient de transformer l’Eldorado de la mode russe en zone sinistrée. Comme la plupart des agences de mannequinat, President-Models a essuyé de graves revers ces derniers mois et a même failli sombrer. La plupart des clients de l’agence sont en effet en difficultés financières et optent pour des agences aux mannequins moins coûteuses, dont les prix descendent jusqu’à 1000$ le défilé. Andrei ne décolère pas : « A ce prix-là, les mannequins ont de la cellulite et ne savent pas un mot d’anglais. Les nôtres coûtent plus cher – de 2000 à 3000 dollars, certes, mais elles sont parfaites et surtout, elles n’ont jamais fait d’escorting. » Car escort et mannequinat se confondent souvent en Russie, aux dires d’Andrei. « Nous sommes la seule agence de mannequinat qui refuse cette source de revenus », confirme Anton.

Beauté perdue


Grâce à son poste, mais aussi par intérêt personnel, Andrei a beaucoup voyagé. Lorsqu’on lui demande si c’est en Russie que l’on trouve les plus belles filles, il répond immanquablement d’un hochement de tête convaincu. Puis s’enferme dans un mutisme de quelques minutes, avant de préciser gravement que c’était le cas de la génération précédente mais non plus de celle qu’il côtoie aujourd’hui dans les castings. « Il y a dix ans, les femmes russes avaient du chien, beaucoup d’énergie et un véritable caractère de sauvage. », explique Andrei. « Aujourd’hui, elles sont devenues fades et léthargique, à force de ne plus avoir à se battre pour survivre. » Et d’ajouter : « Voyez Natalia Vodionova. Pas de sourire. Juste un air de gamine amorphe. On est loin des mannequins pleines de vie comme Linda Evangelista ou Cindy Crawford, qui d’un regard savaient embraser l’assistance. Ça, c’était des femmes. » De manière générale, Andrei avoue de ne plus être touché par la beauté féminine, qu’il fréquente au quotidien sous sa forme la plus parfaite. « Cela me permet d’être plus professionnel ! », ajoute-t-il en jetant à Anton un regard qui en dit long.

Face Control : Mode d'emploi

Bonne nouvelle, les face contrôleurs moscovites sont humains ! Certes, à les voir rembarrer d’un sonore « NIET » la foule de jeunes clubbers qui se pressent à leurs pieds, on ne le croirait pas. Nous avons tous étés dans cette situation : alors que nous nous apprêtons à vivre une folle soirée dans un de ces clubs branchés dont raffole Moscou, voici nos rêves piétinés par un Cerbère désagréable. L’ego blessé et plein d’hargne, nous rentrons alors gentiment à la maison, tandis qu’une question nous hante : pourquoi ? Qu’est ce qui a pu motiver le refus de notre humble candidature ?

Le Courrier de Russie a rencontré les tyrans de la nuit et vous livre maintenant tous leurs secrets afin que le face control ne passe plus par vous.




Lourde responsabilité

Nastia, vingt ans à peine, est déjà physionomiste au célèbre Club XIII. Ses yeux, cernés de lourd maquillage noir, scrutent la foule qui s’agglutine à quelques mètres d’elle. Dans son écharpe blanche, un petit microphone grâce auquel elle transmet ses ordres aux molosses barrant la route aux aspirants clubbers. Elle désigne une jeune fille, puis une autre, et les fait entrer. Un jeune homme suivra ; tous les autres se verront refuser le privilège. La sélection est rude. « C’est de la pure intuition, explique la jeune femme. Je me demande toujours si j’aimerais danser près de celui-ci ou, si j’étais un homme, si j’offrirais un verre à celle-là ». Arrivent deux blondes, apparemment identiques de la tête aux pieds. L’une passera le face control, l’autre non. « L’une des deux avait l’air d’une parfaite idiote !, s’indigne Nastia. " Et son sac à main était en croco alors que ses bottes étaient en cuir ! Un véritable impair fashion ". Nastia s’estime responsable de l’ambiance sur le dancefloor. Depuis six mois qu’elle s’occupe du face control, elle a déjà dû essuyer de cuisantes erreurs. Comme cette bande d’ivrognes qui ont agressé une strip-teaseuse et que les videurs ont sorti à grand renfort de coups de pieds.

Amitié des peuples

Le souci de ne pas mettre en danger l’équilibre d’une soirée préoccupe tous les physionomistes de la capitale. A Raï, Pacha, face contrôleur parmi les plus désagréables de la nuit moscovite, avoue sans complexe : « Je refuse systématiquement ceux qui ont un faciès un peu trop typé, à part, bien sûr, s’ils sont Européens ou Américains. Mais les Ouzbeks, les Tadjiks et les caucasiens ne rentrent pas dans « ma » boîte ». Interrogée, l’assistante des relations publiques de Raï confirme. Et tente de se justifier : « Vous comprenez, notre clientèle ne se sent pas à l’aise lorsque des immigrés dansent à côté d’eux. Ce n’est pas la même culture ». Pacha prévient pourtant : « Attention, nous ne discriminons pas les jolies filles, même si elles viennent d’Asie Centrale ou du Caucase ».

Cool control

A Solianka, les critères sont loin d’être basés uniquement sur le physique. Vania a vingt-cinq ans, et s’occupe du face control de ce haut lieu de la nuit moscovite depuis un an. Ses baskets sont blanches immaculées, et ses yeux rieurs jouxtent une coiffure savamment négligée. Au premier abord franchement désagréable, regard hautain et bouffi d’orgueil, il se déride dès que l’on aborde le sujet de ses méthodes. Et devient un de ces jeunes que l’on s’attend à retrouver à Solianka : bavard, sympathique et plein de style. « Il faut que les gens soient souriants et qu’ils aient l’air prêts à passer une bonne soirée ». Il réfléchit quelques secondes, puis ajoute : « Leur état d’esprit doit être complètement européen, sans prise de tête, avec un bon style de vie et d’habits». La maison se targue d’avoir le seul « cool control » de la ville. Mais en réalité, la sélection y est aussi dure qu’ailleurs, voire plus. Un jeune homme, look impeccable et dégaine parfaite de fluokid, se voit refuser l’entrée à notre grande surprise. Il a eu le malheur d’attacher ses chaussures avec des lacets sales. Un peu plus tard, trois jeunes gens aux lunettes fashion et cravates déjantées se font, eux aussi, éconduire. Vania explique : même si leur style était irréprochable, il leur a trouvé un air trop hautain. De manière générale, Vania semble plus sévère avec les garçons. Pourtant, si les filles portent des jupes trop courtes ou des décolletés affriolants, les voilà automatiquement recalées.

Abus de pouvoir

Pas banal pour un club moscovite. Habituellement, les cerbères de la nuit ont plutôt un faible pour les demoiselles déshabillées. Nous sommes allés faire pour vous un tour à Soho Rooms, club hype et bêcheur au possible. Impossible d’obtenir une interview avec le physionomiste, Slava, car la direction du club refuse d’apparaître dans un journal aux côtés de Raï ou de Solianka. On ne mélange pas les torchons et les serviettes. Snobisme sans bornes. Si vous passez, un samedi soir, à Soho Rooms, vous y apercevrez ces jeunes filles au minois froissé, venant tout juste d’essuyer l’humiliation du NIET à l’entrée. Macha ne comprend pas : « J’étais inscrite sur la liste VIP, grâce à mon amie, manager du club. Mais une face contrôleuse vient de me dire que je ne convenais pas au dress code et qu’il m’était impossible de rentrer». Coup d’oeil à sa tenue : tregging en cuir du dernier chic, petit gilet en fourrure d’hermine blanche, et chaussures Marc Jacobs à quelques milliers d’euros. La jeune demoiselle, un trente-quatre à tout casser, semble tout juste sortie de la fashionweek. Interrogée sur son choix, la face contrôleuse refusera de répondre. Les voies de la nuit moscovite sont parfois impénétrables. Macha fulmine : « Ils abusent de leur pouvoir, c’est tout. Il n’y a rien à comprendre».

Prix d’entrée

Vania confirme. « Oui, j’ai du pouvoir, et oui, j’adore ça ! C’est vraiment jouissif cette sensation de toute-puissance ! » Mais la tâche de face contrôleur n’est pas de tout repos. Beaucoup d’entre eux sont étudiants, le jour. « Pas facile d’assurer en cours après un week-end passé debout, dehors, dans le froid », grimace Nastia, du Club XIII. Pas facile non plus d’affronter, la nuit durant, des éconduits mécontents, ou des clubbers rendus agressifs par l’alcool. Lena a vingt-deux ans et elle est physionomiste chez Ikra. En fait de sélection de clientèle, Lena se contente de laisser passer tous ceux qui lui glissent un billet de mille roubles, refusant de temps en temps quelques ivrognes et, là encore, tous les Caucasiens et Asiatiques qui osent passer la porte de ce club pourtant peu réputé. Contrairement à Nastia, qui bénéficie de la protection de plusieurs gardes du corps, elle ne compte sur aucun gros muscle en cas de danger. Ce qui rend tout de suite les nuits plus difficiles. « Être face contrôleur à Moscou n’est pas fait que de gloire et de paillettes », rappelle une Lena désenchantée. « On finit par ne plus beaucoup sortir et par ne plus profiter de la nuit moscovite », regrette, quant à elle, Nastia. Vania résume : « Être face contrôleur, c’est aussi beaucoup de conflits, et cela nécessite une grande force de caractère. Ce n’est pas donné à tout le monde ». Tous sont devenus face contrôleurs par hasard, au gré des rencontres et des promotions au sein du club. Mais très peu sont certains de vouloir continuer.





Ruses et astuces

- Ouvrez systématiquement vos manteaux en arrivant près du club. Peu importe qu’il fasse moins dix degrés et qu’une tempête de neige s’annonce : le physionomiste doit pouvoir voir votre tenue.

- Souriez, ayez l’air naturel. Regardez la bête dans les yeux. Sauf si, par hasard, vous aviez un taux d’alcoolémie dans le sang légèrement au-dessus de la normale : dans ce cas-là, mieux vaut éviter le regard frontal, qui sera forcément titubant ; préférez discuter avec vos amis.

- Si vous êtes deux filles, venez avec un garçon. Si vous êtes un garçon seul, habillez-vous friqué. Si vous êtes une fille seule, n’essayez même pas.

- Les filles, soignez vos chaussures ! Pas de boue : vous êtes censées sortir d’une limousine ou, au pire, d’un taxi. Messieurs : la chemise blanche est de rigueur, col élégant et impeccable.

- Aussi absurde que cela puisse paraître, être sur la guestlist ou posséder la carte VIP d’un club ne signifie pas que vous échapperez au face control. Pas de relâchement vestimentaire, donc.

- Vous vous êtes faits recaler ? Ne revenez plus. Il n’y a rien de plus amusant pour un physionomiste que de voir sa victime rôder toute la nuit près de l’entrée, espérant qu’on ait oublié sa tête et que l’on cède finalement. Malheureusement, ce genre de miracle n’arrive jamais. Faites-vous discrets pendant quelques week-ends, changez de style, teignez-vous les cheveux en violet et retentez votre chance avec un plus grand sourire. Qui sait, le face contrôleur aura peut-être perdu la mémoire…

Licenciements à la Russe


Le chômage en Russie est un sujet difficile, nous préviennent au téléphone les directeurs de ressources humaines, avant de raccrocher un peu précipitamment. Un sujet d’autant plus sensible que Rosstat vient d’annoncer l’enregistrement de 300 000 nouveaux sans-emploi en janvier 2009.

La situation devient donc préoccupante. D’autant plus que ces chiffres ne reflètent que partiellement la réalité. Car s’enregistrer auprès des agences fédérales d’emploi ne présente que peu d’avantages : la subvention est dérisoire et l’emploi proposé est souvent éloigné de son lieu d’habitat, sans mentionner qu’il est extrêmement mal payé. Les experts estiment donc que le chiffre des chômeurs serait aujourd’hui deux à trois fois plus élévés que celui qu’annonce Rosstat. Il faut non seulement prendre en compte ceux qui ne s’enregistrent pas, mais aussi ceux qui sont en chômage partiel - pour cause de réduction de leurs horaires de travail - et ceux qui subissent un long retard de versement de salaire, et qui sont donc dans une situation similaire au chômage.

Alors qu’en Europe, on assimile les licenciements massifs au spectre du chômage, en Russie, le lien n’est pas aussi évident. Les victimes des plans de restructuration sont peu nombreuses parmi les chômeurs. Les entreprises russes privilégient « des mécanismes d’adaptation divers en temps de crise », explique Vladimir Gimpelson, spécialiste du marché de l’emploi russe « qui vont de la réduction du temps de travail à celle du salaire ». « ‘Tout sauf le licenciement’ est un peu le leitmotiv des entreprises russes en temps de crise », renchérit Natalia Riabikova, ancienne DRH. Car licencier revient cher. Le code du travail russe prévoit jusqu’à l’indemnisation de trois mois de salaire pour l’employé. Or, pour une entreprise au bord de la faillite, payer séance tenante ces salaires est peu réalisable. De plus, on murmure qu’il y aurait des pressions gouvernementales pour empêcher de licencier trop de salariés : car c’est autant de mécontents qui risquent de sombrer dans l’agitation sociale. « ll ne faut pas non plus oublier que la Russie a un passé soviétique, où avoir un travail était un droit, quelle qu’était la crise que traversait le pays », nous rappelle Olga Mirasova, responsable du collectif IKD.

Pour éviter de licencier, tout en restant viables économiquement, les entreprises russes ont donc parfois recours à des méthodes peu recommandables, en contournant la loi plus ou moins ouvertement. L’une des plus courantes est de forcer le salarié à démissionner, témoigne Yulia*, ancienne employée d’une grande chaîne de supermarchés russes : « Soit j’acceptais de partir volontairement, et je recevais de bonnes références, soit je quittais la compagnie sans références.» Yulia aurait pu essayer de faire appliquer la loi russe, en demandant à sa hiérarchie de lui verser les deux mois minimum de salaire anticipé que prévoit la loi en cas de licenciement, mais, comme la plupart de ses collègues, elle n’était pas au courant de ses droits. La loi russe prévoit que les indemnisations de licenciement ainsi que les réductions des horaires de travail et de salaire sont à négocier entre l’employeur et l’employé. Malheureusement, comme le remarque Yulia, il est difficile de négocier lorsqu’on est seul face à une puissante hiérarchie ; et c’est justement ce que fustige Olga Mirasova : « Les syndicaux ne jouent pas leur rôle de défenseur des droits du salarié, ils se contentent d’être de vagues intermédiaires neutres entre l’administration et le salarié ».

Mais toutes les entreprises ne cherchent pas forcément à contourner la loi lors de difficultés financières. Igor*est par exemple un licencié satisfait : « Lorsque Lafarge Ciment a décidé de supprimer le département Stratégies et Développement en Russie, j’ai reçu neuf mois de salaire anticipé, et de très bonnes références. » Igor songe maintenant partir faire le tour du monde, et reste optimiste quant à ses chances de retrouver un emploi à son retour. « Le marché de l’emploi en Russie est extrêmement dynamique », considère-t-il.

En effet, la Russie se caractérise par un marché du travail bouillonnant. « Normalement, les recherches n’excèdent pas deux-trois semaines », nous dit Youri Virovets, président du groupe de sociétés de chercheurs de tête, HeadHunter.ru. Le marché de l’emploi a aussi la particularité d’être très mobile : « Sur une entreprise de 60 000 personnes, il n’est pas rare que 20 000 personnes la quittent volontairement au cours d’une année », explique l’économiste russe Vladimir Gimpelson.

Ce dernier estime que le marché de l’emploi en Russie reste parmi les plus sains de l’Europe malgré la crise. Mais depuis que cette dernière touche la Russie, certaines de ses particularités ont changé. Certes, le marché reste très mobile, mais il s’agit d’une mobilité contrainte ; quant au temps de recherche d’emplois, il s’est considérablement allongé, explique Youri Virovets. Selon lui, il s’agit d’une conséquence de la baisse de propositions de postes. Les entreprises réduisent leur personnel, et de leur côté, les salariés hésitent avant de quitter leur emploi pour en chercher un autre, ce qui n’était pas le cas il y a quelques mois.

Ainsi, alors que le site Headhunter.ru comptabilisait en août 2008 plus de 80 000 propositions d’emplois, l’offre a été divisée par deux six mois plus tard. Quant au nombre de demandeurs d’emplois, il a explosé : « Nous possédons maintenant une base de 2,8 millions de CV pour 42 000 postes vacants. », affirme Yuri Virovets, « Pour un poste, nous avons jusqu’à 105 candidatures ».

Auparavant marché mobile et dynamique, le marché du travail russe est devenu très concurrentiel, et rares sont ceux qui réussissent à y trouver un nouvel emploi. Face à cette situation sans issue, les experts annoncent la renaissance du marché noir du travail. Un
système D dont a l’habitude la Russie et les Russes. Rien d’inhabituel. Mais, nous prévient Olga Mirasova, si rien n’est fait pour renforcer les infrastructures d’accueil des nouveaux sans-emplois, « le chômage actuel risque de se transformer en chômage à longue durée, l’apparition de graves troubles sociaux est probable. » Voilà qui ne sera pas au goût du gouvernement.

Les noms suivis d’une astérique ont été modifiés à la demande des témoins.

Et les Russes, ils en pensent quoi ? [La Tchétchénie vue de Nijni-Novgorod]

J'habite à Nijni-Novgorod depuis quatre mois. Au contact des Russes, j'ai appris à tempérer mes convictions sur les questions politiques, notamment sur celles de la Tchétchénie. Cette immersion au coeur de la société russe, les médias européens n'en ont que très peu l'occasion. Voici donc enfin l'opportunité de vous livrer une nouvelle perspective : celle du terrain, celle éprouvée par les Russes.

Je m'étais promise de ne pas m'imposer de force dans leurs (rares) discussions politiques, mais au contraire d'écouter leurs arguments et de mettre ma rhétorique en veilleuse, pour mieux saisir ce que pensent les Russes d'aujourd'hui du conflit tchétchène, jadis brûlant, aujourd'hui latent.
De mes tentatives à susciter un échange de vues sur ce dernier, il ne s'en est issu qu'un face à face sans désaccords, étant donné que chaque Russe pense la même chose que son voisin. Une même unanimité implicite sur tout. L'absence de confrontation entre eux n'empêche pas néanmoins une prise de parole exaltée, accompagnée d'une dialectique spectaculaire qui relève parfois du pur sophisme. Peu importe si j'ai chiffres et photos à l'appui, on me répond toujours: "Tu es victime de la propagande européenne", ou encore "Tu y es allée, en Tchétchénie ? Comment une Parisienne pourrait mieux connaître le sujet qu'un Russe ?".

J'ai la chance de côtoyer à Nijni-Novgorod plusieurs couches de la population. Mais quel que soit le milieu, le discours sur la Tchétchénie ne change en fait que très peu. Les nouveaux riches sont néanmoins plus cléments et confiants envers la Tchétchénie : "On a tout reconstruit! Leur liberté religieuse est totale. Demain, nous apporterons d'autres investissements, les Tchétchènes ne mordront plus jamais la main russe qui les nourrit.", sourient-ils. Que la société tchétchène réponde à la russification par une intense islamisation de leur culture, peu importe. "Ils sont russes. Et même s'ils se prennent pour des Arabes, ils resteront toujours russes." A la fois profession d'amour et menace tacite, leurs propos sont difficiles à cerner, et passionnants par leur ambiguïté.

Mes camarades issus de classes moins favorisées sont moins ambivalents. Tout en affirmant avec emphase qu'ils ont une multitude d'amis tchétchènes et qu'ils les aiment "comme s'ils étaient russes"(!), certains me disent que la seule solution était celle de Staline: les envoyer tous au fin fond du Kazakhstan, et cette fois-ci, veiller à ce qu'ils n'en reviennent jamais.
Terrifiante perspective, mais pas autant que celle que propose la fille de ma famille d'accueil: la société tchétchène serait si gangrenée par le terrorisme qu'il faudrait créer de nouveaux camps de concentration et leur faire payer, par leur force de travail, les dommages causés à l'armée russe (sic !). Cette idée ne vient pas d'elle (elle est plutôt saine d'esprit), mais d'un des "groupes de travail politique" qu'elle fréquente, apparenté officieusement à Russie Unie. Ils ont si bien pensé la question qu'elle peut me sortir des chiffres précis : pour un soldat russe tué, c'est dix ans de travail forcé pour deux tchétchènes. Quand je lui demande si les enfants et les femmes devront aussi vivre dans ces affreux camps, elle me répond, sérieuse et résolue : "Bien sûr. Un enfant de terroriste est un terroriste aussi. Et les femmes sont complices, toujours.".

Tenter de comprendre la place particulière qu'occupe la Tchétchénie dans la conscience nationale russe est une expérience captivante. D'autant plus que ce questionnement ne s'exerce pas uniquement sur les motivations des Russes, mais aussi sur les miennes et ne cesse de remettre en cause mes convictions

Car, jusqu'où peut-on dire que moi aussi, j'ai été en partie manipulée par la presse européenne ? Cette dernière ne s'est jamais réellement impliquée dans le conflit, et n'a joué que sur le terrain subjectif et autosatisfaisant des droits de l'Homme.


Acculée par une presse européenne déchaînée, la Russie a alors défendu le droit de faire primer l'impératif de l'intégrité territoriale sur les droits de l'Homme, dont le sens restait obscur pour la Russie car dépourvu de réalité tangible. En tant que porteuse des valeurs occidentales, ces derniers me paraissent aussi comme la finalité qui doit tendre chacune de nos actions politiques. Mais avant d'incriminer la Russie pour sa gestion du conflit tchétchène, rappelons nous que son histoire politique, sociale et culturelle est radicalement différente de la nôtre, et qu'elle ne peut donc avoir le même sens des "priorités" que nous.


Pour qu'elle puisse enfin considérer le respect de la personne humaine comme primordial, il faut arrêter de l'y opposer constamment, cesser de penser à cette valeur comme monopole de l'Occident, et accepter que les droits de l'Homme subissent une légère adaptation aux réalités sociales et politiques de la Russie.

Ananas, Sibérie et Centre Culturel Français (Portrait)

Avec ses cheveux blonds et ses robes en velours bordeaux, Cécile Elzière détonne dans les couloirs du Centre Culturel Français. Pas de temps à perdre, le thé fumant est déjà prêt, et l’interview peut commencer. Une chose est certaine : Cécile a de l’énergie à revendre.

Tout en jonglant entre un élève dont le professeur est absent et un téléphone qui ne cesse de sonner, elle nous raconte avec humour sa rencontre avec la Russie, qui tient plus du coup de foudre que du simple clin d’œil. « Ma nounou, qui s’appelait Cécile également, avait vécu en Russie pendant cinquante ans. Elle nous en parlait avec une passion inégalée, qu’elle m’a petit à petit transmise. », se souvient Cécile. A partir de ses quinze ans, elle décide donc de passer chaque été de son adolescence à Moscou. Nous sommes en 1985, et quelques années plus tard, la jeune étudiante qu’est devenue Cécile, assiste à la chute de l’URSS. Le pain se fait rare et les queues pour les pommes de terre sont interminables. Ce qui n’empêche pas Cécile de partir, son diplôme de russe en poche, en Sibérie, pour la lointaine ville de Tomsk. Elle y enseigne le français à la faculté locale, non sans retenir des bâillements de profond ennui, et multiplie les projets : mise en scène de pièces de théâtre françaises, création d’une comédie musicale, participation à des programmes radiophoniques… Il y a aussi ces dîners mondains, où l’élite intellectuelle de Tomsk se fait un plaisir de l’inviter et de la placer auprès… d’un ananas. « Nous étions sûrement tous les deux un peu trop exotiques pour eux ! » s’amuse Cécile.

Au bout de trois ans, elle décide de quitter sa chère Sibérie, cette fois-ci pour Tallinn, afin d’apprendre la danse orientale. « Un choix qui n’était pas très logique ! » avoue-t-elle en riant. Revenue il y a quatre ans à Moscou, qu’elle appelle tendrement le « miroir aux alouettes », elle assure maintenant le poste de directrice des cours du Centre Culturel Français. A son arrivée, le CCF n’avait rien du rayonnement qu’il possède aujourd’hui. Les élèves étaient rares et l’offre de cours assez limitée. Cécile se souvient : « Lors mes deux premières années à Moscou, je n’ai pas dormi une seule fois plus de six heures par nuit et ma vie sociale était réduite au néant. » Mais, malgré ces sacrifices, la blonde pétillante ne regrette rien. Grâce à son acharnement, les inscriptions ont augmenté de 175% dès 2006. Depuis, le nombre d’élèves présents n’a pas baissé. Les locaux ont été rénovés, la bibliothèque a hérité de quelques centaines de livres supplémentaires et l’autofinancement de l’institution est en bonne voie. Une belle réussite. Cécile est ainsi. Elle fourmille de projets et aime les mener à bout.

Le dernier cheval de bataille de Cécile est d’essayer de changer un tant soit peu la vision qu’ont les Russes de la France. Aux dires de Cécile, ces derniers éprouvent une passion sentimentale incurable, où s’entremêlent rêves nostalgiques de dames élégantes et distinguées aux effluves d’une Belle Epoque qui n’est plus. Apprendre le français est davantage une preuve de bon goût et de parfaite éducation qu’une possibilité de donner de nouvelles perspectives à sa carrière. Difficile dès lors, pour la combative directrice des cours du CCF, de concurrencer les Language Certificate des écoles anglaises... Les cours alliant grammaire et initiation à la culture française ont bien plus de succès que ceux ciblant les businessmen russes.

Quand on lui demande son avis sur la communauté française à Moscou, Cécile répond avec une grimace gênée qu’elle ne la fréquente pas beaucoup. « Ce n’est pas que je n’aime pas les Français. Mais je préfère la compagnie des Russes. » Néanmoins, son travail au Centre Culturel Français l’a convaincue qu’il existe deux grands types de Français expatriés : ceux qui sont venus en Russie, un peu au hasard, à cause des aléas d’une carrière ou d’un mariage, et ceux qui sont ici parce qu’ils l’ont ardemment désiré. « Il n’y a pas de demi-mesure en Russie : soit on aime ce pays, soit on le déteste. » assure-t-elle. Et c’est souvent ce qui divise la communauté française, à ses yeux. Cécile prône l’intégration, voire l’immersion : pas question de venir en Russie pour ne traîner qu’avec des ressortissants tricolores, on apprend tant à côtoyer des Russes au quotidien ! Mais elle avoue que le choc culturel est grand et peut être difficile à surmonter. « Ce qui étonne au premier regard, c’est la rudesse des Russes. Les portes du métro lâchées sans ménagement, les bousculades incessantes… C’est assez difficile pour nous autres européens. », confirme-t-elle. Sans oublier cette dualité déconcertante de l’âme russe, qui déroute les plus cartésiens des Français et qui fait le bonheur de Cécile.

Mais, ce qui plaît le plus à cette dernière, est l’endurance des Russes. Elle se rappelle en riant une de ses excursions sur le mont Sinaï, il y a quelques années. « Le groupe de randonneurs regroupait plusieurs nationalités. Les Français râlaient en marchant. Les Américains étaient suréquipés et gambadaient en silence. Les Espagnols s’arrêtaient tous les dix mètres pour chanter des cantiques religieux. Les Russes, quant à eux, avaient des chaussures trouées et la cigarette au bec. Ils n’ont fait aucun détour. Ils sont arrivés les premiers. » Et elle ajoute en clignant de l’œil : « J’étais parmi eux !».

Portrait de Yulia Abassova

Quand les riches jouent aux philanthropes

On s’imagine souvent les épouses des riches russes comme de jolies et stupides poules de luxe, roulant en Bentley rouges et rêvant uniquement de diamants. Yulia Abassova casse le mythe. Bien sûr, elle ne s’habille qu’en Yves Saint Laurent et à son bras se balance le célèbre sac Downtown, au prix modeste de deux mille euros la pièce. Ses cheveux bruns fréquentent le meilleur coiffeur de la ville, et ses chaussures léopard sont du dernier cri. Mais elle n’est pas de celles qui ne vous parleront que du défilé de Galliano ou du dernier club à la mode où elles ont passé des nuits si démentes.

Car Yulia a d’autres passions, et surtout, une autre façon de vivre. Née en Ukraine à Mariupol, elle grandit dans une famille d’ingénieurs russes. Son enfance est douce et sans difficultés. A dix-sept ans, elle part étudier à l’Institut de Chimie où elle rencontre son futur mari, Rafik Abassov, aujourd’hui riche constructeur immobilier pour la ville de Moscou. Après son mariage, tout s’enchaîne : leur premier fils naît et leur capital croît démesurément. Autour d’elle, c’est le même scénario qui se répète, et très vite, des milliers de jeunes filles se retrouvent comme elle : riches et désoeuvrées.

Mais Yulia refuse de rester inactive. Elle commence alors à acquérir des tableaux, au petit bonheur la chance. Petit à petit, elle trouve en l’Art un passe-temps amusant et se met à courir les expositions. A Moscou, bien sûr. Mais aussi à Paris, où elle se rend plusieurs fois par an. Elle y rencontre Alain Crombecque, qui dirige alors le Festival d’Automne. Grâce à ses influences et son argent, elle parvient à le convaincre d’inaugurer son exposition par l’oeuvre de Alexandre Ponomarev. Tandis que le périscope de ce dernier siège dans la Chapelle Saint-Louis de Salpêtrière, Yulia rapatrie un sous-marin, signé toujours de la main de son protégé, décidément hanté par les constructions navales, et l’installe à la IIème Biennale de la Moskova.

Devenue francophile et francophone, Yulia tente de reprendre une vie normale de riche épouse oisive. Mais elle ne tient pas en place, et très vite son esprit fourmille de nouveaux projets.Il s’agit cette fois-ci de son association Art Energy, qui permet aux enfants trisomiques d’étudier dans des écoles publiques. « Lorsqu’ils partagent leur quotiden avec des enfants ‘normaux’, explique Yulia, les enfants handicapés apprennent plus vite et s’épanouissent davantage, tandis que pour les autres élèves, il s’agit d’une expérience de tolérance formidable. » Malheureusement, les obstacles bureaucratiques sont nombreux dans un pays qui, comme le regrette Yulia, fait encore preuve d’une discrimination ouverte envers les handicapés mentaux et physiques.

Mais quel rapport entre sa passion pour l’Art et cet engouement soudain pour le sort des enfants trisomiques ? « Pour moi, l’Art ne se vit pas seulement dans les musées et les expositions. Il se vit aussi en aidant autrui. Construire un lieu de vie commun pour des enfants que seul sépare un malheureux chromosome 21, c’est un geste qui est beau et qui mérite de s’appeler de l’Art. C’est pour cela que mon association s’appelle Art Energy.», explique Yulia, avec ce sourire discret qui la caractérise.

Quand on lui demande s’il existe autour d’elle beaucoup de riches épouses qui jouent elles aussi aux mère Teresa en herbe, elle répond, amusée, qu’elle n’est pas une exception. « C’est parfois comique de voir comment les journaux dépeignent les nouveaux russes, surtout en Europe. Pourtant,nous sommes loin d’être uniquement intéressés par l’argent, la fête et le glamour. Pour la plupart, nous sommes ouverts sur la monde, et cultivés. » Et lorsqu’on évoque la question de l’argent comme valeur centrale de la classe aisée russe, elle admet que la réponse fuse : « Bien sûr, l’argent est important pour nous ! Mais beaucoup ont compris comme moi qu’il l’était à condition qu’il permette de construire de grandes choses, comme des orphelinats ou des écoles. Même si la plupart du temps ces actions caricatives ne sont pas pérennes, c’est un début. » Elle fait une pause de quelques secondes, puis ajoute gravement : « Il faut surtout que la classe riche de Russie n’oublie pas que son rôle a toujours été celui du mécénat. Il est temps que nous retrouvions notre vocation. »