Lilya est une femme très dynamique. C’est avant tout un manteau orange vif, des bijoux extravagants, et des pas pressés qui se différencient des passants venus flâner à la Maison Centrale des Artistes. Mais c’est aussi un sourire discret et accueillant. A peine entrée dans sa galerie, Les Oréades, elle sert le thé, distribue les brochures de ses artistes et aussitôt assise, commence l’interview. Qui se transforme vite en marathon : tant d’histoires passionnantes à raconter, et si peu de temps ! « J’ai eu une vie fabuleuse », sourit Lilya. En effet, les péripéties qu’elle a vécues trouveraient sans difficultés leur place dans un roman de Pasternak. En attendant que celui-ci ressuscite des morts pour l’écrire, voici un avant-goût de la drôle de dame qu’est Lilya Slavinkaya.
Née dans un baraquement gris du camp de travail de Samara, la jeune Lilya a tout juste cinq ans lorsque sa famille est envoyée participer au développement économique du Kazakhstan. Elle grandira dans ce pays aux terres arides, et apprendra à en aimer les fleuves tumultueux, où elle s’entraîne d’ailleurs à devenir professionnelle de kayak. Alors qu’elle est à deux doigts d’intégrer l’équipe nationale du Kazakhstan, son destin lui joue un tour : la voilà amoureuse et mariée à un Russe originaire de Kaluga.
Plus question dès lors de devenir sportive de haut niveau, la rivière Oka manquant sérieusement de piquant. Mais un autre démon la démange déjà. Alors qu’elle vient d’être engagée en tant que professeur de français, elle rénove complètement son cabinet de travail, en décore les murs et y peint d’immenses fresques représentant les règles de grammaire française. Les élèves adorent. Les professeurs s’étonnent. Intrigué par cette jeune femme pleine d’enthousiasme, un peintre s’approche et souhaite la prendre comme modèle. A la fin de chaque séance, Lilya emporte quelques de fusain, ainsi que des pastels et des pinceaux, puis s’entraîne à peindre. Peintures mortes, portraits, elle s’essaie à tout et c’est un succès : on la remarque à nouveau, mais cette fois-ci, on la convainc de tenter le concours de l’Académie des Arts. Elle le réussit : c’est le début d’une carrière de peintre, longue à ce jour de trente-sept ans.
Mais peindre n’est pas encore assez pour Lilya. Elle tente alors de débuter une carrière de galeriste. Elle se souvient dans un éclat de rire de sa première exposition, qui s’était déroulée dans un minuscule supermarché, où elle avait présenté sur des étagères brinquebalantes ses poteries en terre cuite. « C’était un véritable succès, se souvient-elle. Tout était parti en à peine deux jours ! » Mais le lendemain, les journaux l’accusent de spéculation. Elle est obligée de fuir à Moscou. Sous l’URSS, il ne faisait pas bon de jouer aux galeristes.
Aujourd’hui, les temps ont changé et Lilya ne joue plus. Exposer de nouveaux artistes, traquer les nouvelles tendances est devenue sa raison de vivre et son métier. Après sa rencontre avec Edmond Rosenfeld, le propriétaire des galeries Les Oréades en France, elle en ouvre une filiale à Moscou au début des années 1990.
Assise au fond de ce qu’elle appelle fièrement « sa » galerie, elle couve du regard le jeune couple qui vient d’entrer dans sa galerie, Les Oréades. Des futurs clients ? « Peut-être, répond-elle. La plupart de nos acheteurs russes ont la trentaine. Ce sont des businessmen accomplis, cultivés et plein de bon goût. » Lilya s’enorgueillit d’avoir une telle clientèle. Elle refuse d’ailleurs de cibler les nouveaux riches, pour lesquels tout ce qui est cher est beau, et tout ce qui est clinquant est art. Bien sûr, ses voisins, qui ont choisi cette stratégie gagnent jusqu’à trois fois plus. Mais « être galeriste, ce n’est pas être commerçant. On ne rentre pas dans ce métier pour gagner de l’argent. », explique Lilya. Elle pourrait d’ailleurs écrire sans problème un petit guide de survie à l’intention des apprentis galeristes.
Son premier conseil serait assurément d’être peintre soi-même. « Avoir du savoir-faire est primordial, insiste-t-elle. Sinon, il est difficile de faire la différence entre une peinture de qualité et travaillée, et un joli bluff artistique. » Il faut aussi être extrêmement intuitif, avoir du flair pour découvrir qui sera le nouveau Picasso. « Chacun de mes artistes sera un succès planétaire d’ici vingt ans, j’en suis certaine. Je mets ma main à couper que mon Jacques Ikhmalnian vaudra bientôt le million ».
La foi que porte Lilya à ses artistes est entière et sans concession. Tout comme sa confiance dans l’avenir des Oréades. Rien n’enraye son enthousiasme, ni le terrible incendie qui en 2004 a détruit plus de quatre cents de ses tableaux, ni les artistes ingrats qui parfois claquent la porte de sa galerie, alléchés par les dollars brandis par son voisin. Les Oréades étaient, dans l’Antiquité, de petites nymphes de montagne facétieuses et espiègles. C’est aujourd’hui une galerie où il fait bon de faire un tour, ne serait-ce que pour admirer les tableaux et profiter des mille et une histoires que Lilya a encore à nous raconter.
Née dans un baraquement gris du camp de travail de Samara, la jeune Lilya a tout juste cinq ans lorsque sa famille est envoyée participer au développement économique du Kazakhstan. Elle grandira dans ce pays aux terres arides, et apprendra à en aimer les fleuves tumultueux, où elle s’entraîne d’ailleurs à devenir professionnelle de kayak. Alors qu’elle est à deux doigts d’intégrer l’équipe nationale du Kazakhstan, son destin lui joue un tour : la voilà amoureuse et mariée à un Russe originaire de Kaluga.
Plus question dès lors de devenir sportive de haut niveau, la rivière Oka manquant sérieusement de piquant. Mais un autre démon la démange déjà. Alors qu’elle vient d’être engagée en tant que professeur de français, elle rénove complètement son cabinet de travail, en décore les murs et y peint d’immenses fresques représentant les règles de grammaire française. Les élèves adorent. Les professeurs s’étonnent. Intrigué par cette jeune femme pleine d’enthousiasme, un peintre s’approche et souhaite la prendre comme modèle. A la fin de chaque séance, Lilya emporte quelques de fusain, ainsi que des pastels et des pinceaux, puis s’entraîne à peindre. Peintures mortes, portraits, elle s’essaie à tout et c’est un succès : on la remarque à nouveau, mais cette fois-ci, on la convainc de tenter le concours de l’Académie des Arts. Elle le réussit : c’est le début d’une carrière de peintre, longue à ce jour de trente-sept ans.
Mais peindre n’est pas encore assez pour Lilya. Elle tente alors de débuter une carrière de galeriste. Elle se souvient dans un éclat de rire de sa première exposition, qui s’était déroulée dans un minuscule supermarché, où elle avait présenté sur des étagères brinquebalantes ses poteries en terre cuite. « C’était un véritable succès, se souvient-elle. Tout était parti en à peine deux jours ! » Mais le lendemain, les journaux l’accusent de spéculation. Elle est obligée de fuir à Moscou. Sous l’URSS, il ne faisait pas bon de jouer aux galeristes.
Aujourd’hui, les temps ont changé et Lilya ne joue plus. Exposer de nouveaux artistes, traquer les nouvelles tendances est devenue sa raison de vivre et son métier. Après sa rencontre avec Edmond Rosenfeld, le propriétaire des galeries Les Oréades en France, elle en ouvre une filiale à Moscou au début des années 1990.
Assise au fond de ce qu’elle appelle fièrement « sa » galerie, elle couve du regard le jeune couple qui vient d’entrer dans sa galerie, Les Oréades. Des futurs clients ? « Peut-être, répond-elle. La plupart de nos acheteurs russes ont la trentaine. Ce sont des businessmen accomplis, cultivés et plein de bon goût. » Lilya s’enorgueillit d’avoir une telle clientèle. Elle refuse d’ailleurs de cibler les nouveaux riches, pour lesquels tout ce qui est cher est beau, et tout ce qui est clinquant est art. Bien sûr, ses voisins, qui ont choisi cette stratégie gagnent jusqu’à trois fois plus. Mais « être galeriste, ce n’est pas être commerçant. On ne rentre pas dans ce métier pour gagner de l’argent. », explique Lilya. Elle pourrait d’ailleurs écrire sans problème un petit guide de survie à l’intention des apprentis galeristes.
Son premier conseil serait assurément d’être peintre soi-même. « Avoir du savoir-faire est primordial, insiste-t-elle. Sinon, il est difficile de faire la différence entre une peinture de qualité et travaillée, et un joli bluff artistique. » Il faut aussi être extrêmement intuitif, avoir du flair pour découvrir qui sera le nouveau Picasso. « Chacun de mes artistes sera un succès planétaire d’ici vingt ans, j’en suis certaine. Je mets ma main à couper que mon Jacques Ikhmalnian vaudra bientôt le million ».
La foi que porte Lilya à ses artistes est entière et sans concession. Tout comme sa confiance dans l’avenir des Oréades. Rien n’enraye son enthousiasme, ni le terrible incendie qui en 2004 a détruit plus de quatre cents de ses tableaux, ni les artistes ingrats qui parfois claquent la porte de sa galerie, alléchés par les dollars brandis par son voisin. Les Oréades étaient, dans l’Antiquité, de petites nymphes de montagne facétieuses et espiègles. C’est aujourd’hui une galerie où il fait bon de faire un tour, ne serait-ce que pour admirer les tableaux et profiter des mille et une histoires que Lilya a encore à nous raconter.
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